mardi 11 août 2015

Entretien avec le vice président des FLAM

Un entretien entre tenu avec le vice président des FLAM Ibrahima Mifo Sow dans le cadre des préparatifs de retour au pays après plusieurs années d’exile et de lutte pour trouver une solution sur la cohabitation et l’unité nationale entre toutes les composantes nationales.





Essirage.net : Pouvez- vous nous parler des FLAM ? Quel est votre position par rapport à la scène nationale, régionale et internationale ? Et comment il est structuré ?

I.M.S : Bon, d’abord, c’est les FLAM (Forces de Libération Africaine de Mauritanie), mais, le plus souvent, les gens considèrent que c’est un front, c’est pourquoi, ils disent le FLAM mais c’est les FLAM. Ceci dit, les FLAM ont été créées ici, en Mauritanie, en 1983. C’est une organisation issue d’une fusion de quatre autres organisations de tendance négro-africaine qui luttaient pour la même cause, à savoir la fin du racisme et les discriminations raciales ici, en Mauritanie. Donc, tout le monde sait ce qui s’est passé en 86 ; nous avons publié un document important qui recense toutes les discriminations raciale en Mauritanie, un document complet avec des statistiques irréfutables ; nous l’avons intitulé « le Manifeste du Négro-africain opprimé ». A vrai dire, c’est un manifeste qui signe un petit peu la naissance de la résistance africaine contre les discriminations érigées en système de gestion de l’Etat mauritanien. Donc après cela, il y a eu une répression terrible contre les membres de cette organisation, si bien que, par la force des choses, nous sommes obligés d’aller en exile. Ceux qui n’ont pas été mis en prison, on se rappelle que certains de nos militants ont été envoyés à Walata, notamment les dirigeants de cette organisation, et certains d’entre eux y sont restés, ont perdu la vie parce qu’on les y avait envoyés pour qu’ils ne reviennent pas, c’était pour les tuer et c’est ce qu’on leur dit quand ils sont arrivés. Donc, les autres sont allés en exile, ceux qui ont pu échapper à cette purge-là, à cette chasse aux sorcières, d’abord, au Sénégal, puis en France, puis en Côte d’Ivoire et un peu partout à travers le monde. Si bien qu’en exile, notre organisation est très dispersée. Nous avons des sections dans certains pays africains, nous avons des sections en Europe et en Amérique. Donc structurellement, les FLAM sont dispersées pratiquement sur les quatre coins du monde. Nous avons ici une représentation à l’intérieur de pays.

Dans nos actions, nous sommes une organisation politique ; l’objectif pour nous, c’est de changer la nature de cet Etat, notre Etat, la Mauritanie, la nature raciste et discriminatoire esclavagistes. Notre combat est tourné contre cela, contre les discriminations raciales et sociales ; il faut donc changer cet Etat, créer un Etat de droit qui respecte les identités nationales, qui respecte la justice, qui respecte légalité, qui respecte la liberté pour tout le monde. Pour y arriver maintenant, il y a une organisation, un appareil politique qui a été mis en œuvre. Cet appareil-là, nous l’avons appelé les « FLAM », nous avons une stratégie de combat, à l’intérieur et à l’extérieur. A l’extérieur, plus précisément, nous avons axé notre action sur la sensibilisation, la sensibilisation, l’information et la communication pour faire prendre conscience à l’opinion internationale du racisme qu’il y a eu ici en Mauritanie. En un moment donné, nous avons comparé ce qui se passé ici en Mauritanie avec l’Apartheid que subissait l’Afrique du Sud. Donc, dans cette communication, pour faire changer les choses pour mobiliser l’opinion internationale par rapport à ce qui se passe ici en Mauritanie, nous avons des actions envers les medias, envers la diplomatie, des organisations, des partis politiques et des chefs d’état etc. C’est une action globale de sensibilisation et de l’information pour mobiliser l’opinion internationale contre le racisme qui se passe ici en Mauritanie. Nous avons aussi une actions de sensibilisation de prise de conscience des populations mauritaniennes, d’abord les victimes elles-mêmes, sur les victimes de discrimination raciales, des victimes de l’esclavage pour qu’ils prennent conscience de leur marginalisation, de leur état de victimes, puisque c’est quand ces populations vont prendre conscience de cet état de discrimination, que ces populations seront en mesure de résister et de changer les choses. Nous avons ici une action de sensibilisation de l’opinion nationale, la classe politique nationale pour que les gens sachent que cet état de fait est dangereux pour notre pays, pour notre unité nationale ; donc, un combat politique tourné vers l’intérieur et l’extérieur. C’est essentiellement un combat dans le premier temps de sensibilisation et de mobilisation des opinions, c’est donc ça les FLAM, bien sûr qu’il y a des actions concrètes que l’ont fait par des marches, mais les marches, les manifestations et autres ; ça participe de la sensibilisation, c’est pour attirer l’attention, mais, en un moment donné aussi nous avons été obligés, par la force des choses, de mener des actions plus rigoureuses de résistance, parce que le régime de Maawiya ne nous laissait pas la chance de dialogue, la concertation pour que les problèmes soient réglé. Voilà un petit peu ce que nous faisons.

Essirage.net : Pourquoi actuellement le redéploiement des FLAM en Mauritanie ? Est-ce que vous jugez  le terrain est devenu propice ou pire qu’avant ?

I.M.S : Non ! Non ! A vrai dire, bon les FLAM, pour reprendre ce que vous venez de dire, sont entrain de se redéployer, sont entrain de revenir ici en Mauritanie. C’est un processus qui est engagé, qui est long, qui est délicat, qui demande la mise en œuvre de beaucoup de choses à la fois. C’est pourquoi, ça prend du temps. D’abord, nous avons des structures à l’intérieur qui ont été redynamisées, qui existaient, nous avons notre section du Sénégal qui a été la première à se redéployer ici sur le terrain. Cette section conduite par notre camarade Mamadou Wane qui est membre de notre bureau exécutif national, puis moi-même, je suis là depuis quelques mois pour mettre la dernière main sur les préparatifs de ce retour effectif de notre organisation, et notamment le retour du président SAMBA THIAM qui va venir incessamment avec les camarades qui sont ici sur le terrain. Nous sommes entrain d’abattre un travail important de sensibilisation, de mise en place des structures d’accueil, de contact politique avec toute les classe politique, et tout cela pour que le retour soit effectif. Est-ce le terrain est plus propice actuellement ? Eh ! En tout cas nous avons décidé de revenir, nous avons décidé de revenir parce que nous avons des préalables que nous avions posés. Nous pensons que parmi ses préalables-là, il y en a certains qui ont plus ou moins été satisfaits ou en tout cas sont des préalables qui participent un peu à décrisper le climat social, le climat politique national. Parmi ses préalables-là, il y avait le retour des déportés. Nous, c’est nous qui sommes restés avec ces déportés pendant tout ce temps qu’ils étaient à l’extérieur. Nous les avons encadrés, nous les avons soutenus et beaucoup de nos militants eux-mêmes sont des déportés, nous avions estimé que nous ne pouvions pas revenir, l’organisation ne pouvait pas revenir tant que ces déportés restaient encore à l’extérieur. Donc, les déportés ont été ramenés. L’autre préalable également, il y avait le passif humanitaire, nous pensons que ce problème là devrait être abordé sinon, à defaut d’être complètement réglé, au moins que l’Etat, les autorités montrent une bonne volonté de le régler. En ce moment, le climat à un dialogue serein pouvait s’instaurer. C’est pourquoi ces deux préalables-là remplis, nous avons estimé que c’es normal que nous revenions. Ce n’est pas que tous les problèmes sont réglé, non ; aucun de ces problèmes de fond n’a été réglé, c’est là justement le combat des FLAM, que des problèmes de fond, des problèmes de cohabitation entre les populations mauritaniennes, entre les composantes nationale. C’est cela notre combat pour qu’il y ait une cohabitation harmonieuse, une cohabitation qui respecte les libertés des gens, qui respecte les identités nationales, qui respecte l’égalité entre les citoyens et entre les composantes. Ca, c’est un problème qui n’a pas été réglé. Nous revenons pour participer au règlement de ce problème ; mais le climat, nous pensons maintenant qu’il est favorable à ce dialogue. En tout cas, le tour que nous avons fait de tous les partis politiques, des autorités nationales montrent que actuellement les gens sont disposés du moins à se parler, c’est ce que nous avions demandé en 86 en écrivant « le manifeste du negro africain opprimé », que les Mauritaniens se parlent entre eux pour régler le problème de leur unité nationale.


Essirage.net : Pensez-vous que les événements actuels, qui ont secoué la ville de Kaédi dénotent d’une connotation raciste où d’un problème ethnique ?

I.M.S : C’est tout cela à la fois. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu un événement, l’événement c’est qu’un jeune maure qui a giflé une femme âgée, c’est une femme negro africaine, ça c’est l’événement. Maintenant cela a dégénéré parce que ça été une mauvaise gestion des autorités, des autorités qui étaient chargées de régler un problème, c’est un problème de fait divers, n’est-ce pas ! Cela aurait dû régler comme tous les faits divers. Si ces problèmes avait été pris en charge de façon efficace, il n’y aurait pas eu des débordements qu’il y a eu. Mais, là encore la gestion a été discriminatoire parce que le coupable n’a pas été sanctionné à la mesure du forfait qu’il a commis. Pourquoi ? Parce que ceux qui étaient chargés de régler ce problème- là, peut-être, ils ont estimés qu’il y a eu, pour nous en tout cas, «  vision personnel », une gestion solidaire parce que les autorités elles-mêmes relèvent de la même ethnie que le coupable lui-même. Par négligence ou par complicité, ils n’ont pas fait ce qu’il devait y avoir maintenant il y a eu des débordements. Pourquoi y a-t-il eu des débordements de cette ampleur ? Parce qu’il y a une accumulation de frustrations, de ressentiments. Ces frustrations et ces ressentiments se sont ressentis comme étant du fait de discriminations raciales donc cela a créé des problèmes que nous connaissons tous. C’est que Kaédi et tout le sud de la Mauritanie sont gérés de sorte que les populations se sentent un petit peu en état de siège, et ceux qui assiègent ce sud là, généralement une administration qui relève d’une composante nationale et que les populations locales, n’est ce pas, sentent cela comme un état de siège. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Donc c’est à la fois un fait divers qui a été géré comme tous les autres crimes politiques et ethniques qui ont été commis ici, c'est-à-dire certaines populations ont le droit de tout faire sur d’autres populations. On sait ce qui s’est passé dans les années 89-90, où on déportait les gens, où on tuait impunément les populations, et ceux qui ont commis ces forfaits- là n’ont pas été sanctionnés, n’ont pas été jugés. C’est donc l’impunité, et puisque ces populations se sentent impunies en commettant ces genres de crimes-là, c’est cela qui continue et les populations qui ont été victimes maintenant par l’incident de Kaédi. C’est que si l’Etat ne règle pas les problèmes que l’état devrait régler, les victimes elles-mêmes auront tendance à se faire justice. C’est ce que nous dénonçons depuis toujours, l’impunité, c’est quelque chose de dangereux pour un état, dans un état tout à fait normal. C’est cette impunité que nous avons dénoncée devant le président de la république quand nous eu la chance, l’occasion de le rencontrer. Pour lui dire que les crimes, ce qu’on appelle le passif humanitaire ne doit pas rester impuni. Sinon c’est l’impunité qui va se perpétuer et un jour ou l’autre, les populations victimes elles-mêmes vont prendre en charge, n’est- ce pas, leurs s problèmes et ça sera une vengeance, une spirale sans fin, et c’est dangereux pour notre pays. Donc c’est un fait divers qui a débordé parce qu’il y avait un soubassement de frustrations et d’injustices accumulées.

Essirage.net : Votre mouvement FLAM, a rencontré en France, le président Mohamed Ould Abdel Aziz, quel était l’objectif de cette rencontre ?

I.M.S : Ce n’était pas en France ; j’ai rencontré le président de la république, notre camarade Mamadou Wane et moi, nous avons rencontré le président ici à Nouakchott, le 28 avril 2013. C’est une rencontre politique qui s’inscrit dans le cadre des préparatifs de notre retour ici au pays. Une rencontre politique, des autorités, toute la classe politique, les organisations de la société civile, des personnalités, des associations des villages etc. C’est donc des rencontres tous azimuts pour informer les Mauritaniens de la décision des FLAM de revenir ici en Mauritanie. C’est cela donc l’objet de cette rencontre avec le président. C’est ce même message que nous avons eu avec tous les acteurs politiques que nous avons rencontrés par la suite. Donc c’est ça l’objet, informer le président du retour des FLAM en Mauritanie, informer tous les Mauritaniens de façon générale de la décision des FLAM de revenir. Et là, ce n’est pas seulement informer mais de leur dire également quel est notre agenda, notre agenda c’est que si nous revenons ici dans ce pays, ça devrait être une occasion pour tous les Mauritaniens de prendre en charge la question, ce que nous appelons la question nationale et sociale. C’est-à-dire le problème de la cohabitation entre nos ethnies, entre les différentes composantes nationales. C’est pourquoi nous revenons, c’est ce combat là que nous allons mener et nous voulons que tout le monde prenne ses responsabilités pour que ce problème là soit réglé.


Essirage.net : Depuis votre retour au terroir, avez-vous rencontré d’autres personnalités, partis politiques, organisations, et population dans le cadre de votre mission ?

I.M.S : Oui, oui bien sûr, nous avons rencontré beaucoup des gens comme je le disais. Bon, je viens juste de jeter un coup d’œil dans mon agenda, tous partis politiques confondus, ONG, tout cela nous avons eu qu’a même une centaine, une grosse centaine de rencontres. A peu prés 40, 45, 46 partis politiques, organisation de droit de l’homme, des associations des villages que nous avons rencontré, individuellement nous avons rencontré des personnalités importantes ici, des leaders d’opinions, des dignitaires religieux, des notables politiques environs une cinquantaine des personnes. Et, la liste continue, puisque nous allons continuer à rencontrer les Mauritaniens dans leur diversités ethniques, politiques et d’opinions. Donc des rencontres tous azimuts parce que les FLAM c’est tout cela. Nous voulons que tous les Mauritaniens se parlent, c’est en se parlant qu’on pourrait régler notre problème tout simplement.

Essirage.net : Allez-vous participer aux prochaines élections (municipale, législative et présidentielle), et sous quel angle?

I.M.S : D’abord nous ne savons pas s’il y aura élection, et ensuite, ce n’est à vrai dire notre priorité. Dans notre ordre des priorités, les élections ce n’est pas encore cela, notre problème d’abord, dans l’état actuel des choses, c’est de revenir et rester dans ce pays là. C’est de restructurer ; de réimplanter ici en Mauritanie et donc c’est ça notre priorité. Les élections on verra, pour le moment ce qui nous préoccupe c’est réussir le retour de notre président, le retour de notre organisation et ensuite, la priorité pour nous, la priorité politique, pour nous c’est que des Mauritaniens se parlent pour régler leurs problèmes. Parce que les élections ça ne règle pas les problèmes de fond. C’est une erreur que la classe politique pense qu’on peut se contenter de faire des élections et le plus souvent d’ailleurs en Afrique c’est parce qu’il y  a des problèmes de fond qu’on ne règle pas et on se contente d’organiser des élections, Ce qui fait qu’au lendemain des élections il y a toujours des violences parce que des problèmes de démocratie ne sont pas encore réglés. Les élections, c’est la consécration de la démocratie. Mais ce n’est pas cela seulement la démocratie ; la démocratie c’est quand il y a liberté, la justice et la liberté en un mot la démocratie c’est un état de droit. Les élections c’est juste pour confirmer qu’il y a un état de droit, et pour nous en Mauritanie il n’y a pas d’état de droit. Parce que il y a des gens qui sont encore dans l’esclavage, il y a des discriminations raciales. Ça c’est la grande majorité de la population qui est laissée comme cela en rade. Donc dans ces conditions-là les élections c’est n’est pas notre priorité.

Essirage.net : Quel est votre lien avec la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD)?

I.M.S : Lien formel, non, mais nous avons rencontré tous les partis politiques. Nous n’avons pas rencontré ce qu’on appelle COD en tant que telle la Coordination de l’Opposition Démocratique. Mais nous avons rencontré les partis qui composent la COD individuellement. Donc nous avons des rencontres bilatérales avec les partis politiques, nous ne les avons pas rencontrés en tant qu’entité. Nous en sommes là par rapport à ces partis politiques, nous avons échangé avec ces partis, nous partageons certaines choses. Comme je l’ai dit, tout de suite, nous ne partageons pas l’ordre des priorités. Ils sont occupés par un agenda électoraliste, nous, nous sommes préoccupés par un règlement de la question nationale de cohabitation de nos populations.

Essirage.net : Comment comptez-vous continuer votre lutte ? Allez-vous garder votre mouvement tel qu’il est ou créer un parti politique ou s’allier avec d’autres pour continuer votre lutte ?

I.M.S : Les FLAM vont revenir en tant que FLAM, en tant que organisation politique dénommée Forces de Libérations Africaines de Mauritanie. Nous sommes entrain de faire le terrain, nous sommes entrain d’organiser des rencontres avec nos militants, avec des populations Mauritaniennes de façon générale. Nous sommes entrain de rencontrer les acteurs politiques. Nous allons à l’issue de ces rencontres- là, avec notre redéploiement, nous ferons le point et nous allons convoquer un congrès de notre organisation pour décider l’avenir de notre organisation. En tout cas, le combat va continuer ici sur le terrain.

Essirage.net : Votre organisation parle actuellement de l’autonomie, pouvez vous être plus claire sur cette question  et comment comptez vous faire sachant que les negro-mauritaniens sont dispersés un peu partout sur le territoire mauritanien?

I.M.S : Bon, nous constatons dans ce pays là qu’il y a un problème de cohabitation entre les composantes nationales de ce pays. Nous ne sommes pas le seul pays au monde où il y a diverses populations qui cohabitent. Nous nous inspirons aussi de ce qui se passe ailleurs, quand des pays ou des entités ont été confrontés aux mêmes problèmes que nous avons ici, ils ont envisagé des solutions pour le régler. Nous, nous avons dit, il faut régler le problème de cohabitation dans notre pays. C’est un problème réel, un problème qui a conduit à des drames extrêmement graves, que l’on connait. Nous ne pouvons pas rester là à faire semblant que tout va bien alors qu’à tout moment il peut y avoir encore des débordements, il peut y avoir des événements douloureux. Et les hommes politiques sont appelés à prévenir des problèmes, à anticiper pour éviter les drames. Nous proposons des solutions. Jusqu’à présent tout le monde parle de l’unité nationale mais il n’y a pas de contenu dans cette unité nationale. Nous nous proposons de donner un contenu à cette unité nationale pour régler le problème de cohabitation. Nous pouvons, dans l’état actuel des choses, après avoir constaté que l’Etat unitaire tel que nous l’avons ici, tel que nous l’avons hérité de la colonisation, à savoir le « jacobinisme » qui centralise tout ; nous pensons qu’il y a un échec, que ça ne marche pas, que ça n’a pas réglé le problème de l’unité nationale. Et puisque quelque chose ne marche pas, ou on l’améliore ou on le change. Les hommes sont, les hommes politiques, en particulier, doivent être suffisamment intelligents et courageux pour envisager des solutions audacieuses. Nous proposons comme solution l’autonomie, ce que nous appelons une autonomie régionale. En Mauritanie, il est normal, il est possible que l’on crée deux entités autonomes. A l‘intérieur de ces entités autonomes, il y aura des provinces, il y aura des provinces qui seront chargées de gérer les différences ethniques, les différences d’identités nationales. Parce que l’autonomie contrairement à ce que l’on pense, quand on parle de l’autonomie les gens pensent à la sécession, c’est une grave erreur. L’autonomie n’est pas antinomique avec l’unité nationale, au contraire. L’autonomie permet de consolider l’unité nationale parce qu’il gère les identités et permet de régler des différences, des conflits qu’il y avait à l’intérieur d’un Etat unitaire. Donc, nous avons dit qu’il y aura deux entités autonomes, à l’intérieur de ces entités-là on va aménager des régions qui vont régler le problème des spécificités, et donc la dispersion des populations à l’intérieur des entités autonomes. Non, l’autonomie n’est pas antinomique avec la libre circulation des populations à l’intérieur des entités autonomes. Il y aura forcément donc des minorités qui seront gérées dans le cadre de ces régions, de ces provinces qu’on va créer à l’intérieur de ces régions autonomes. L’autonomie en un mot règle deux problèmes : le problème d’unité, il y aura un seul pays que les gens vont partager, il y aura une autorité centrale qui va s’arroger des fonctions de souveraineté, comme par exemple la diplomatie, comme la défense nationale, la monnaie, ça sera géré par le pouvoir central. Maintenant, il y aura des délégations de pouvoir au niveau des régions, au niveau des provinces parce que c’est au niveau des provinces, qu’il y a des diversités et que ces diversités là seront gérées. Les populations locales vont prendre en charge leurs affaires économiques, culturelles et promouvoir leurs langues à l’intérieur de ces provinces, à l’intérieur de la région. Donc ça règle en même temps le problème de l’unité nationale et ça règle aussi ce qu’on a inscrit dans la Constitution, à savoir le droit à la Différence. C’est l’affirmation et la concrétisation du droit à la différence, et en même temps en consolidant l’unité nationale parce qu’il y a quand même quelque chose que nous partageons. Nous partageons le même territoire et le même désir de vivre ensemble. Voilà donc, l’autonomie ne devrait pas faire peur, il y a des détails importants. C’est ce que nous allons proposer comme projet de société. Ce projet de société sera mis à l’appréciation des populations et de la classe politique. Au moins, nous, nous avons le courage de proposer quelque chose pour régler le problème de l’unité, contrairement à la plupart des acteurs politiques qui jouent ce qu’on appelle « la politique de l’Autriche », faire semblant que tout va bien alors tout le monde sait que ce problème d’unité nationale là il est réel et il doit être réglé.

Essirage.net : Certaines personnes pensent que votre organisation n’est constituée que des féodaux, d’une seule communauté, particulièrement Haalpular, et surtout de la région de Grogol, que répondez- vous à ces gens ?

I.M.S : Mais, je dis tout simplement qu’ils ne connaissent pas les FLAM. C’est la réponse la plus simple. Alors composé de féodaux, qu’est ce que vous appelez féodaux ? Nous nous ne sommes jamais demandé à quelqu’un c’est-à-dire que nous ne faisons pas d’enquête pour savoir qui est qui. D’ailleurs, par rapport à cette question, nous avons l’habitude de dire : Ne nous demandez pas combien nous sommes ou qui sommes nous ! Le plus important, c’est de savoir pour quelle cause nous nous battons. Si cette cause, elle est juste tout le monde devrait la prendre en charge. Si elle est juste et que les gens savent que c’est une cause juste, ceux qui n’adhérent pas à la lutte pour cette cause là, c’est à eux qu’on devrait poser la question pourquoi vous n’y venez pas ? Mais au contraire, on devrait féliciter tous ceux qui combattent pour une cause juste. Et la cause pour laquelle les FLAM se mobilisent, c’est la cause juste ; à savoir qu’il y a des discriminations raciales en Mauritanie, c’est indéniable, il y a de l’esclavage dans ce pays. Ce sont des problèmes qui devraient être réglés et les FLAM ont dédié leur combat au règlement de ces problèmes. Pour le reste, ce sont des spéculations qui ne sont pas importantes pour nous. L’important, c’est qu’il y a une cause et il y a des Mauritaniens, des patriotes mauritaniens qui s’organisent pour lutter, pour que cette cause là triomphe, à savoir une cause de justice , d’égalité et de liberté pour tous les Mauritaniens.

Essirage.net : Quel est votre position par rapport à l’esclavage en Mauritanie ? Considérez-vous les harratins comme une communauté différente des Maures blancs (Bidhan) ?

I.M.S : Ce n’est pas nous qui devons considérer ; vous savez. Il y a des populations qu’on constate, qu’il y a diversité ethnique dans ce pays, il y a diversité raciale. Ce sont les Harratines eux-mêmes qui doivent s’assumer. Je pense que de plus en plus ils s’assument comme une identité à part entière. Et nous les soutenons dans cette revendication pour la reconnaissance de leur identité pleine et entière. Et je pense que ça ne fait de mal à personne de reconnaitre les gens dans ce qu’ils sont. Ce serait dangereux de vouloir réduire les gens aux autres, d’étouffer la diversité culturelle, d’étouffer la diversité raciale ; ce sont des faits indéniables. Ce n’est pas parce que nous constatons que vous êtes peulhs, ou Soninké, ou Harratines, ou Arabes que vous ne pouvez pas vivre ensemble ; non, nous pouvons vivre ensemble si chacun est reconnu dans ce qu’il est, dans ce qu’il apporte à cette unité. Une unité dans la diversité, c’est ce que nous soutenons. Les Harratins, les leaders politiques harratines ont des revendications, d’abord, une revendication nationale qui devrait être assumée par tous les mauritaniens, c’est que les esclaves soient libérés, que l’esclavage soit complètement éradiqué dans ce pays. Il existe encore des milliers de populations harratines qui vivent sous le joug de l’esclavage brutal. Donc nier, maintenant, en parlant des séquelles, il y a toujours des séquelles bien sûr, mais, il y a des réalités dures de l’esclavage. Les esclaves doivent être libérés et que si les Harratines estiment que c’est une identité entière, et bien ils sont une identité à part, puisque c’est indéniable.

Essirage.net : Selon, certaines sources, vous venez d’effectuer un voyage à l’intérieur du pays. Est-ce que ce voyage rentre dans le cadre du redéploiement de votre mouvement ou c’est un voyage personnel ?

I.M.S : Non, non ! Bon je suis ici en mission. Mes déplacements rentrent dans le cadre des préparatifs du retour de notre organisation. Nous avons organisé effectivement une tournée à l’intérieur du pays, notamment nous sommes allés dans le Trarza. Nous avons visité onze villages composés pour la plupart de Mauritaniens qui ont été ramenés de la déportation. Nous sommes allés à leur contact, voir de prés les réalités difficiles qu’ils vivent. Des réalités qui sont qu’ils ne peuvent pas encore retrouver leurs villages, récupérer leurs terres de culture, ils ont le problème d’état civil, de papiers alors que avant qu’ils reviennent leur problème de nationalité avait été réglé puisqu’il y a eu des enquêtes pour prouver que c’est des Mauritaniens. Et pour eux, l’enrôlement devrait juste être une formalité, mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Il y a des agents zélés, idéologisés qui refusent carrément de leur octroyer des papiers mauritaniens. Ils sont confrontés à ces genres de problèmes-là. Donc nous sommes allés même plus loin, nous sommes allés à Kaédi et à Sélibabi, nous allons continuer à aller à la rencontre des Mauritaniens, d’abord pour les informer de la décision de notre organisation de revenir, et aussi pour reprendre en main le discours des FLAM. Parce que pendant notre absence, ou même avant qu’on parte en exile, notre discours était récupéré par le système, Maawiya en premier pour le manipuler, pour le falsifier et pour le dénaturer. Le discours des FLAM est un discours patriotique. Ce discours-là, nous allons le reprendre en main, nous allons expliquer aux Mauritaniens ce que c’est que les FLAM, expliquer aux Mauritaniens notre projet de société et nous allons leur expliquer elles sont nos motivations, nous allons surtout expliquer aux Mauritaniens que nous avons intérêt à nous parler entre nous pour régler nos problèmes, parce que nous sommes condamnés à vivre ensemble dans ce pays qui nous appartient à nous tous. Donc nous allons continuer à rencontrer les Mauritaniens pour leur parler, pour leur expliquer à savoir que nous avons l’unité nationale à préserver et que cette unité ne peut pas se faire si nous nous ignorons les uns des autres, si nous essayons de réduire certaines identités, si nous continuons à privilégier le diktat d’une composante nationale sur les autres, ça pas d’avenir. Les Mauritaniens, ils sont intelligents, ils aiment leur pays, et ils peuvent se parler et s’ils se parlent, ils peuvent se comprendre, s’ils se comprennent, ce pays-là, ils le construiront ensemble pour le bénéfice des populations mauritaniennes. C’est donc l’objet de notre tournée à l’intérieur, c’est l’objet de nos rencontres intérieur même de Nouakchott. Nous avons même été à Nouadhibou tout au début de notre arrivée, nous avons rencontré des Mauritaniens, nous leur avons dit le message que nous portons à l’intention de tout le monde.

Essirage.net : votre dernier mot ?

I.M.S : Juste vous remercier, je viens juste de découvrir votre site et j’en avais entendu parler. Je sais que les organes de presse sont souvent appelés le « 4éme pouvoir ». Vous avez un rôle important à jouer dans l’enracinement de la démocratie en Mauritanie, dans la consolidation de notre unité nationale. Donc ce rôle important que vous avez à jouer, vous devez l’assumer en ouvrant la parole à tout le monde. Nous voyons, par exemple, qu’il y a une diversité d’organes de presse. Malheureusement, là encore, nous devons regretter que l’Etat mauritanien ait choisi encore d’éliminer certaines composantes nationales dans l’attribution des licences de radio et de télévision, comme si les autres ethnies n’avaient pas le droit à la parole. Nous constatons que toutes les radios privées ici sont détenues par une seule composante nationale. A longueur de journée à la télé, aux radios on entend qu’une seule langue, une seule diversité. Nous dénonçons cela avec beaucoup de fermeté parce que cela ne facilite pas l’unité nationale. Ce sont des frustrations, là des frustrations de droit à la parole ajoutées aux frustrations économiques, ajoutées aux multiples autres frustrations que les populations noires de Mauritanie continuent tout simplement à vivre. Vous faites et vous jouez un rôle important en accordant la parole à ceux qui ont besoin de dire des choses aux Mauritaniens. Nous encourageons cette diversité-là et le rôle que vous jouez. Continuez à l’assumer, à assumer votre liberté d’informer. Mais ce que vous avez fait est extrêmement important, c’est aller à la source, aller au contact des gens pour que vous ayez l’information tout simplement vraie. Donc si l’information, elle est vraie, elle n’est pas manipulée, elle participe tout simplement à créer cet Etat de droit que nous voulons pour notre pays. Donc nous vous félicitons, nous félicitons vos lecteurs et les gens qui visitent votre site. Et c’est bien pour notre pays qu’il y en ait beaucoup plus.
Essirage.net : Merci beaucoup

Entretien réalisé par Oumar Moctar M’baye 


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