J'ai suivi avec intérêt le débat suscité par les récents articles du colonel Oumar Ould Beibacar.
Tout en appréciant d'aisance de liberté intellectuelle avec laquelle il
aborde subtilement ses sujets avec un certain révisionnisme discutable
du reste, je me méfie plutôt des insinuations qui parsèment notamment
son dernier article, en voulant faire croire aux ethnies
négro-africaines mauritaniennes que le pays est dirigé depuis le coup
d'état du 10 Juillet 1978 par des nationalistes arabes qui seraient
responsables des évènements de 1989 et d'autres violences interethniques
intervenues en Mauritanie.
Il ne peut s'agir là que d'allégations très différentes de la réalité des faits solides. Ces écrits ont voulu en bonne ou mauvaise foi faire passer des messages sur la nature de la coexistence entre les différentes composantes de notre pays ainsi que l'histoire commune liant celles-ci depuis la nuit des temps mais le plus important.
Loin de vouloir rebondir sur cette affaire pour stigmatiser ni les uns ni les autres, je ne vois pas dans ce débat une confrontation entre les Baathistes et les Militaires, comme peuvent le penser certains et, encore moins un clivage de démarcation entre nationalistes arabes et nationalistes négro-africains de Mauritanie, dont la jonction politique et intellectuelle tant attendue apportera certainement la Mauritanie encore plus de stabilité et de cohésion et, améliorera indiscutablement ses capacités de résilience face aux multiples défis auxquels est confronté ce pays.
Au-delà de la profusion des discours autour des articles du colonel Ould Beibacar, qui réveillent malheureusement d'autres procès fervents, la toile de fond de ce débat bute sur l’incontournable problématique de la pertinence et de la cohérence de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques d'un Etat qui a été à la recherche de lui-même, pendant plus d'un demi-siècle d’indépendance.
L’ambivalence caractéristique de l’exercice pratique de ces politiques, ainsi que leurs rapports historiques, incidents et dissidents, font resurgir inéluctablement les mêmes interrogations.
Paradoxalement, c'est l'instrumentalisation des faits politiques et historiques en particulier, selon une certaine grille de lecture, qui fait la différence d'appréciation des phénomènes, pouvant favoriser et/ou défavoriser, selon le cas, l'œuvre commune de construction nationale d'une Mauritanie juste, démocratique et égalitaire. Cette démarche qui ne peut alors être que participative et collégiale.
Les tergiversations de ce débat annoncé, témoignent de la sensibilité des enjeux inhérents à tous effort de refondation durable de la nation mauritanienne sur un socle solide de désethnicisation, de détribalisation, de pacification et de démocratisation des rapports sociopolitiques et, préviennent plutôt, un réflexe de réarmement identitaire des ensembles ethniques, claniques et tribaux, qui se profile malheureusement en filigrane dans notre pays.
Plus d'un demi siècle après l'indépendance de la Mauritanie, qui a été créée par les autorités coloniales françaises en 1899 pour "administrer le vide" selon la tristement célèbre expression d'Ernest Psichari, en contrôlant les zones intermédiaires entre l’Afrique du Nord et l’Afrique occidentale, force est de reconnaître, que si le projet politique initial de la Mauritanie était bien de bâtir une nation par-delà les clivages ethniques, régionalistes et tribaux, il est indiscutable aujourd’hui que l’absence d’une vision claire, les innombrables difficultés de parcours et les mutations de l’ordre interne et externe en particulier, ont fini par conduire ce projet d’Etat-nation vers une crise impénétrable.
Pour expliquer un tel résultat, les approches réductionnistes, comme celle du colonel Ould Beibacar, se contentent souvent de l'économie des faits et des procès invectifs au détriment de l'effort de compréhension objective et utile des phénomènes.
Dès sa création, le modèle d’Etat mauritanien tronqué, crée à la française et, ne répond pas à une allégeance citoyenne intériorisée par les populations elles-mêmes, a été instrumentalisé et récupéré à travers de subtiles schémas réductionnistes, clientélistes et sectaires, s’identifiant en somme, à des interminables pratiques de coups de force et de coups de sang, qui se succèdent et se ressemblent dans un malheureux retour éternel.
Hésitante et déchirée entre deux choix, qui paraissaient difficilement conciliables à l’époque de son indépendance. Entre faire la politique de son histoire ou la politique de sa géographie, la Mauritanie avait perdu beaucoup de temps pour asseoir sa propre identité nationale consensuelle.
Une vision claire des modalités pratiques d’une valorisation durable de cette identité nationale, devant jeter les bases des politiques publiques pérennes, avait longtemps manqué au rendez-vous.
La légèreté avec la quelle a été traitée la prépondérance de la donne étrangère et ses incidences sur la politique intérieure du pays, avait finit par l'assimiler à l’ombrage des jeux de lutte partisane tout venant, pour la conquête du pouvoir et le partage vulgaire de ses privilèges.
Certes, en matière de politique, la bonne voie n’est pas toujours facile à trouver. La démarche peut être coûteuse, en temps, en efforts et en sacrifices, mais une chose est incontestable. La conception et la mise en œuvre des politiques publiques s’accommodent très mal avec l’improvisation et la distorsion.
La vie d’une nation ne s’arrête pas à une situation figée. Ses rapports internes ainsi qu'avec les autres se poursuivent, s’étendent et se modifient perpétuellement. Il en résulte une série indéfinie de donnes, d’actions et de réactions qui, certaines causées, d’autres voulues, doivent toutes être ordonnées, coordonnées et reformulées pour servir l'intérêt général de la nation en toute honnêteté intellectuelle et loin de tout amalgame politicien.
Il ne s’agit pas de nourrir des illusions. Dans la compétition internationale, que la globalisation des phénomènes trans-étatiques (crime organisé, extrémisme violent, terrorisme, trafics illicites, migration, etc…) ne cesse d’alimenter, la nation qui n'arrive pas à manœuvrer habilement, est aussitôt dominée par la manœuvre d’une autre plus habile ou par le nant, comme phase intermédiaire.
Certes, l'heure n'est pas aux querelles intellectuelles et aux disputes politiciennes inter-élites. La Mauritanie ne doit pas être malade de son élite. Le seul espoir, raisonnable aujourd’hui, est que la rationalité des politiques dans notre pays tende à la conciliation des rivalités plutôt qu’à l’aggravation des antagonismes.
La conception et la mise en œuvre des politiques publiques en Mauritanie sont appelées à changer de perspective et à rénover. Une véritable réforme/refonte de l'Etat, touchant aussi bien le fond que la forme, ne peut plus tarder. C'est là, à mon humble avis, le vrai débat auquel tout un chacun est appelé à contribuer positivement.
Cheikh Mansour
Nouakchott, le 1er Septembre 2015
Il ne peut s'agir là que d'allégations très différentes de la réalité des faits solides. Ces écrits ont voulu en bonne ou mauvaise foi faire passer des messages sur la nature de la coexistence entre les différentes composantes de notre pays ainsi que l'histoire commune liant celles-ci depuis la nuit des temps mais le plus important.
Loin de vouloir rebondir sur cette affaire pour stigmatiser ni les uns ni les autres, je ne vois pas dans ce débat une confrontation entre les Baathistes et les Militaires, comme peuvent le penser certains et, encore moins un clivage de démarcation entre nationalistes arabes et nationalistes négro-africains de Mauritanie, dont la jonction politique et intellectuelle tant attendue apportera certainement la Mauritanie encore plus de stabilité et de cohésion et, améliorera indiscutablement ses capacités de résilience face aux multiples défis auxquels est confronté ce pays.
Au-delà de la profusion des discours autour des articles du colonel Ould Beibacar, qui réveillent malheureusement d'autres procès fervents, la toile de fond de ce débat bute sur l’incontournable problématique de la pertinence et de la cohérence de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques d'un Etat qui a été à la recherche de lui-même, pendant plus d'un demi-siècle d’indépendance.
L’ambivalence caractéristique de l’exercice pratique de ces politiques, ainsi que leurs rapports historiques, incidents et dissidents, font resurgir inéluctablement les mêmes interrogations.
Paradoxalement, c'est l'instrumentalisation des faits politiques et historiques en particulier, selon une certaine grille de lecture, qui fait la différence d'appréciation des phénomènes, pouvant favoriser et/ou défavoriser, selon le cas, l'œuvre commune de construction nationale d'une Mauritanie juste, démocratique et égalitaire. Cette démarche qui ne peut alors être que participative et collégiale.
Les tergiversations de ce débat annoncé, témoignent de la sensibilité des enjeux inhérents à tous effort de refondation durable de la nation mauritanienne sur un socle solide de désethnicisation, de détribalisation, de pacification et de démocratisation des rapports sociopolitiques et, préviennent plutôt, un réflexe de réarmement identitaire des ensembles ethniques, claniques et tribaux, qui se profile malheureusement en filigrane dans notre pays.
Plus d'un demi siècle après l'indépendance de la Mauritanie, qui a été créée par les autorités coloniales françaises en 1899 pour "administrer le vide" selon la tristement célèbre expression d'Ernest Psichari, en contrôlant les zones intermédiaires entre l’Afrique du Nord et l’Afrique occidentale, force est de reconnaître, que si le projet politique initial de la Mauritanie était bien de bâtir une nation par-delà les clivages ethniques, régionalistes et tribaux, il est indiscutable aujourd’hui que l’absence d’une vision claire, les innombrables difficultés de parcours et les mutations de l’ordre interne et externe en particulier, ont fini par conduire ce projet d’Etat-nation vers une crise impénétrable.
Pour expliquer un tel résultat, les approches réductionnistes, comme celle du colonel Ould Beibacar, se contentent souvent de l'économie des faits et des procès invectifs au détriment de l'effort de compréhension objective et utile des phénomènes.
Dès sa création, le modèle d’Etat mauritanien tronqué, crée à la française et, ne répond pas à une allégeance citoyenne intériorisée par les populations elles-mêmes, a été instrumentalisé et récupéré à travers de subtiles schémas réductionnistes, clientélistes et sectaires, s’identifiant en somme, à des interminables pratiques de coups de force et de coups de sang, qui se succèdent et se ressemblent dans un malheureux retour éternel.
Hésitante et déchirée entre deux choix, qui paraissaient difficilement conciliables à l’époque de son indépendance. Entre faire la politique de son histoire ou la politique de sa géographie, la Mauritanie avait perdu beaucoup de temps pour asseoir sa propre identité nationale consensuelle.
Une vision claire des modalités pratiques d’une valorisation durable de cette identité nationale, devant jeter les bases des politiques publiques pérennes, avait longtemps manqué au rendez-vous.
La légèreté avec la quelle a été traitée la prépondérance de la donne étrangère et ses incidences sur la politique intérieure du pays, avait finit par l'assimiler à l’ombrage des jeux de lutte partisane tout venant, pour la conquête du pouvoir et le partage vulgaire de ses privilèges.
Certes, en matière de politique, la bonne voie n’est pas toujours facile à trouver. La démarche peut être coûteuse, en temps, en efforts et en sacrifices, mais une chose est incontestable. La conception et la mise en œuvre des politiques publiques s’accommodent très mal avec l’improvisation et la distorsion.
La vie d’une nation ne s’arrête pas à une situation figée. Ses rapports internes ainsi qu'avec les autres se poursuivent, s’étendent et se modifient perpétuellement. Il en résulte une série indéfinie de donnes, d’actions et de réactions qui, certaines causées, d’autres voulues, doivent toutes être ordonnées, coordonnées et reformulées pour servir l'intérêt général de la nation en toute honnêteté intellectuelle et loin de tout amalgame politicien.
Il ne s’agit pas de nourrir des illusions. Dans la compétition internationale, que la globalisation des phénomènes trans-étatiques (crime organisé, extrémisme violent, terrorisme, trafics illicites, migration, etc…) ne cesse d’alimenter, la nation qui n'arrive pas à manœuvrer habilement, est aussitôt dominée par la manœuvre d’une autre plus habile ou par le nant, comme phase intermédiaire.
Certes, l'heure n'est pas aux querelles intellectuelles et aux disputes politiciennes inter-élites. La Mauritanie ne doit pas être malade de son élite. Le seul espoir, raisonnable aujourd’hui, est que la rationalité des politiques dans notre pays tende à la conciliation des rivalités plutôt qu’à l’aggravation des antagonismes.
La conception et la mise en œuvre des politiques publiques en Mauritanie sont appelées à changer de perspective et à rénover. Une véritable réforme/refonte de l'Etat, touchant aussi bien le fond que la forme, ne peut plus tarder. C'est là, à mon humble avis, le vrai débat auquel tout un chacun est appelé à contribuer positivement.
Cheikh Mansour
Nouakchott, le 1er Septembre 2015
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