Tournée dans la vallée du fleuve: voulez-vous que je vous dise Monsieur le Président ? par Samba THIAM-Président des FPC
Nous avons vu le Président dans ces tournées avec leur côté festif, populiste ! Qu’est- ce qui pousse donc le président à entreprendre, en cette période de grande canicule, ces visites ? Une chose est sûre, Aziz s’étant révélé jusqu’ici en homme futé, habile dans la manœuvre, incite à penser qu’il n’a pas agi par altruisme.
Derrière ces bains de foule, tout porte à croire à un agenda caché. Quelle serait la nature de cet agenda ? conjectures. Préparer les conditions pour un changement de constitution? ballon d’essai, prise de pouls? petits vers un référendum ? rien n’est à écarter.
Mais, prenons le Président au mot quand il affirme aller à la rencontre des populations pour s’enquérir de leurs problèmes. Accordons –lui le bénéfice du doute, mais alors disons lui qu’ il s’y est mal pris; il ne peut pas rencontrer ces populations. Il ne peut pas les rencontrer, pour s’entourer des laudateurs qui font barrage.
Ces mêmes hommes, recyclés, empêchent ces populations de l’approcher ou de poser leurs problèmes ; il arrive même qu’en amont, au cours des réunions préparatoires d’accueil, des hommes et des femmes, soupçonnés de non conformisme à la ligne du « oui AZIZ », se voient d’office écartés du cercle des ‘’privilégiés’’.
Voilà qui expliquerait peut-être, en partie, les dérapages constatés ici et là, au cours de cette tournée; n’exprimaient-ils pas quelque part la volonté du grand chef, lui même? le Président ne l’aurait-il pas voulu ainsi, étant allergique à toute contrariété, ne souhaitant entendre aucun discours critique; rien que des louanges. Un militaire dressé à donner des ordres ou à en exécuter s’accommode mal de la contradiction.
L’hypothèse tient la route, sinon les images des protestataires d’Aleg ne seraient pas absentes des écrans officiels, les jeunes de Boghé, en brassards rouges, n’auraient pas été battus par des éléments du Basep, se substituant aux forces de police, ou les rouspéteurs potentiels de Darel barka et de Rosso neutralisés, avant même la visite du Rais, ou encore ces courageuses dames de Thiambène - emprisonnées arbitrairement quelques jours déjà avant cette visite - exfiltrées en catimini de Rosso pour Nouakchott.
Braves dames auxquelles nous exprimons ici toute notre solidarité active, et qui, par leur exemple, nous indiquaient le seul chemin de l’honneur qui vaille : résister.
Kaëdi, Lexeiba, Mbagne, Aleg, Bogheé, Rosso, aujourd’hui Sélibaby, on assiste partout au même spectacle; bain de foule; youyous !
Certains ont eu tendance à plaindre, voire critiquer ces populations. Je m’en abstiendrai, parce qu’à mon sens ces populations obéissaient simplement aux lois de foule, et non parce qu’elles restaient particulièrement admiratives d’Abdel Aziz. On se rappelle encore avec quel faste le Président–tyran, Ould Taya en l’occurrence, avait été accueilli à Boghé, bourgade pourtant des plus endeuillées du fleuve, pendant les années de braise.
Non, ces populations, étaient des victimes innocentes. Les responsables de ce cirque, bien monté, n’étaient autres que ces laudateurs éternels qui finiront, si rien n’est fait, par perdre la vallée du fleuve et au-delà, puisqu’ils peuplaient aussi le nord et le centre. Les mêmes laudateurs sous Ould Taya, les mêmes sous Sidi qui maintenant ceinturaient Aziz. Toujours les mêmes, inondant le prince de fleurs, lui masquant la triste réalité sur les misères quotidiennes et le désespoir des populations.
Le prince ne prend généralement conscience du jeu néfaste de ces gens que le jour où il est emporté; lorsqu’il est trop tard. Et c’est cela qui pourrait arriver aussi à Aziz! l’adage populaire dit bien ‘’jamais deux sans trois ‘’!
Les Problèmes des populations du fleuve, Monsieur le Président, - si je devais vous les conter- se déclinent en «sentiment de frustration, d’exclusion », de ras le bol qui se reflètent dans les dépossessions et spoliations des terres, à travers un enrôlement sélectivement ethniciste qui en fait des apatrides, un découpage administratif et territorial des plus injustes, une déperdition scolaire des plus élevées du territoire du fait d’un Enseignement régional sciemment saboté au Sud au travers des réformes savamment conçues pour un tel effet; une très grande misère enfin de ces populations.
Dans la vallée du fleuve, oubliée des infrastructures majeures, nous, ses ressortissants, devons seulement nous contenter de quelques cartons de yaa-boys, quelques boutiques Emel, quelques lopins de terre irrigués par ci, quelques ponts par là, de l’électricité pour les grosses bourgades, voilà à quoi nous ‘’avons droit’’. Réalisations, modestes certes, mais réalisations tout de même, à mettre à l’actif du Président actuel, en comparaison du vide total des années 60 et post –indépendance.
Malheureusement l’effet positif de ces réalisations a été anéanti, balayé par l’autre versant négatif de la politique du Président Aziz, qui a accentué le sentiment profond de non appartenance à ce pays, en nous; La superstructure reste globalement interdite aux Négro-mauritaniens; chercher à diriger ce pays c’était faire preuve de toupet !
Accéder aux responsabilités dans la haute administration, bénéficier d’entreprises privées, gérer les grandes boites de l’Etat , entrer dans le secteur bancaire, envoyer ses enfants dans les Écoles supérieures du futur, telles l’école des mines, l’école de médecine, l’école polytechnique, l’école de magistrature suprême et de la haute administration, l’école des officiers, le Prytannée militaire, c’était trop demander pour leurs enfants.
Y prétendre, c’était nourrir des ambitions démesurées, exagérées, injustifiées … pour des « Sénégalais ». Nominations mono-ethniques des conseils de ministres, télévisions et radios privées ou publiques mono-ethniques, forces de Police mono-ethniques, corps de commandement des forces armées mono- ethnique, commissions d’enrôlement mono-ethniques, voilà l’explication du sentiment de ras le bol , du malaise général perceptibles dans toute la vallée du fleuve, que vos laudateurs s’efforceront sûrement de vous cacher, monsieur le Président.
Le mal-être profond, le vide, engendrés par la perte de dignité et le déni de citoyenneté des Négro-africains ne pouvaient être meublés par…des projets, fussent-ils importants; ou par la ‘’lutte contre la pauvreté’’.... C’est beaucoup plus profond que ça. Non, une nation ne pouvait se construire de cette façon!..."half free half slave", déplorait Lincoln.
Enfin quelque chose que vous ne semblez pas comprendre monsieur le Président : Lorsque les populations négro- africaines visitées s’adressaient à vous en français, c’était par courtoisie, par respect pour votre personne, dans le souci de communiquer avec vous. Vous, en retour, leur répondiez en hassanya tout court; sans vous souciez de ce qu’elles pouvaient ressentir !
Vous avaient-elles compris ? avaient-elles été choquées ? vous vous en moquez ! ceci porte un nom monsieur le Président …
Certaines vieilles habitudes ont la vie dure ! Vous ne semblez pas comprendre ou accepter que chacun soit fier de ses racines et de sa culture, sans dénigrer ni mépriser personne... Un PNDC qui ne tiendrait pas compte pleinement de cette donne est voué à l’échec, - soit dit en passant- à l’attention de l’ honorable et courageuse Mint Aïnina.
Dernier éclairage enfin , Mr le Président, vous, comme beaucoup d’autres Mauritaniens issus du sérail, ne cessez de convoquer ou d’évoquer ‘’l’unité nationale’’, mais juste comme un slogan creux ! Parce que cette unité que l’on invoque tout le temps, que l’on scande en permanence comme une litanie, on veut juste la garder telle qu’elle est, c’est-à –dire «l’ unité du cavalier et de sa monture »! Cette unité là, nous n’en voulons plus !
Vous avez par ailleurs, Monsieur le Président, au cours de cette tournée, semblé, dans vos propos, vous en prendre aux activistes, les accusant de nuire à l’unité nationale. Au contraire! Ces activistes remplissaient leur devoir de citoyens honnêtes; patriotes sincères et courageux, ils dénonçaient les dérives et les véritables fossoyeurs de l’unité nationale.
Si l’unité nationale est mise en mal aujourd’hui, malgré quelques tentatives de réparations timides et superficielles des dérives du Colonel despote, il faut en chercher les causes dans l’autre facette de votre politique décrite plus haut.
Ces youyous populaires ne vous y fiez pas trop. Taya était parti au moment où il se prenait pour le messie.
Prenez garde Monsieur le Président, ouvrez les yeux sur ces laudateurs, ne perdez pas de vue où ils avaient mené Ould Taya. Si vous saviez combien parmi eux riaient sous cape !
Reprenez- vous, resaisissons-nous, il n’est pas encore tard …
La lutte continue !
Samba Thiam
Président des FPC
Nouakchott 11 juin 2015
Samba Thiam
Président des FPC
Nouakchott 11 juin 2015
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