Né en 1974 à Nouakchott, Lamine part vivre à l'âge de 6 mois au
Sénégal où il passe une enfance heureuse parmi ses frères. En 1992, il
délaisse les études et quelques jours après l'ouverture des frontières,
il revient aux sources, en Mauritanie. Les événements de 1989
l’encouragent à découvrir et mieux comprendre le pays d'où il vient.
Métis, de père Al Poular et d'une maman Maure, il s'immerge dans la
culture de ses deux familles et découvre les multiples facettes de son
pays d'origine, tout en s'accrochant à sa liberté de penser et d'être.
Il reprend des études de comptabilité de 1993 à 1994. Ses premiers amis
mauritaniens sont les frères Athié, qui l'initient à la musique et il
«tombe dedans». Ainsi il apprend à jouer de différents instruments,
remplace les musiciens dans les groupes lorsque c'est nécessaire. Il
apprend également l'organisation, la production et la mise en scène.
Lorsque la fratrie Athié se dissout à travers le monde, Lamine poursuit
son parcours musical avec Dandé Jam, Rippo, ngatamaré rippo, Kodé Pinal,
Malouma, Howl blues, Mbeuguel Africa, Noura Mint, Walfadjiri.... En
2004, lors d'un atelier à Boston avec Malouma, il apprend la théorie de
la musique et son écriture grâce à des ateliers organisés par des
partenaires français et décide à son tour d'enseigner pour parler le
même langage que les musiciens internationaux et le transmettre aux
jeunes de son pays. Avec Walfadjiri, pour parer au manque
d'instrumentistes en Mauritanie, il créé un centre de formation car ce
sont toujours les mêmes musiciens qui jouent dans les différents groupes
de la place. L'idée est de renouveler ce milieu culturel qui tourne sur
lui même. On compte actuellement plus de 200 élèves inscrits dont une
majorité d’élèves réguliers qui travaillent à devenir professionnels
grâce aux cours du centre de formation de musique et de gestion des
techniques du spectacle. Lamine regrette que l'industrie musicale soit
quasi inexistante en Mauritanie. Il manque toujours des musiciens, peu
de groupes sont ouverts aux musiques actuelles, chacun joue sa musique
communautaire, exceptés quelques groupes qui jouent tous les types. Il
faut brasser, métisser, mais pas sans l'accompagnement des institutions
et les structures, le manque de salles de spectacles, de studios, de
centres de formation pour les musiciens et les techniciens qui sont pour
la plupart autodidactes. Le terrain est méconnu et les investisseurs
sont frileux. Le peuple ne demande rien et les institutions doivent
proposer des solutions. Les besoins sont nombreux en matériels, en
ressources et en formation. Selon lui, en Mauritanie, «Notre problème il
est culturel et il faut absolument le régler pour dépasser cette
question d’unité nationale, du vivre ensemble, du faire ensemble. La
rencontre n'a pas eu lieu, il y a une plaie qu'il faut soigner. Je n'ai
jamais su ce qui s'est passé exactement après les indépendances, on en a
jamais parlé dans ma famille, pourtant, le besoin de reconnaissance, de
vérité et de pardon est nécessaire pour assainir la conscience
collective du peuple mauritanien, nous aurions pu tirer les leçons et
surtout tirer un modèle avec l'Afrique du Sud pour aboutir à une vraie
réconciliation nationale. Tant que les vérités ne sont pas dites et
reconnues, la Mauritanie restera divisée au sein même de ses groupes
ethniques et entre ses groupes. Chacun doit reconnaître ses
responsabilités et demander pardon, tant que justice ne sera pas faite
c'est peine perdue. Il faut que nous lavions notre linge sale entre nous
d'abord et entre communautés ensuite. Et aussi arrêter avec les
histoires de «casting» celui là est forgeron, celui là est noble, celui
là est pêcheur... Les étiquettes nous empêchent d'évoluer, nous sommes
en 2015, il faut que ça s'arrête ! Nous devons devenir constructifs,
tolérants et ouverts, cela manque d'Humanité, nous souffrons d'un
«mal-dit» que l'on appelle «hypocrisie». Ces clivages meurtrissent notre
pays et entretiennent les plaies douloureuses du passé. Lamine a
construit sa liberté, profondément humaniste, il est déçu par les
relations dans lesquelles il a évolué. Des projets démarrés à zéro et à
chaque fois que les portes étaient prêtes à s'ouvrir, tout s'est
effondré en raison d'égoïsme. Aujourd'hui, ses projets s'articulent
autour du festival des «musiques métisses» dont il est l'initiateur, et
le groupe l'Harmatthan qu'il suit depuis 4 ans. Le groupe prépare
actuellement l'enregistrement de son premier album et concourra au prix
RFI 2016. Lamine reste engagé, actif et malgré les épreuves, continue de
travailler pour le devenir d'une Mauritanie unie et solidaire à l'aide
du langage universel de la musique. Les valeurs qui le portent font de
lui un homme droit et sincère qui aspire à vivre dans un pays en paix et
plus juste. Humblement, il poursuit son combat avec à ses nobles
aspirations, ce qui inspire beaucoup de respect à l'égard de ce musicien
qui transmet sa passion. Nous lui souhaitons pour lui même d'abord et
pour ses projets, le meilleur pour l'avenir.
Magali Boivert
Magali Boivert
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