samedi 12 décembre 2015

Imam Abdoulaye Sarr « Il est important que les bailleurs de fonds musulmans orientent leurs financements vers la mise en œuvre de la planification familiale»

L’imam Abdoulaye Sarr est Secrétaire Général de l’Association Main dans la Main, une ONG mauritanienne qui mène des actions de bienfaisance et de solidarité. Membre de la Coalition des OSC mauritaniennes pour la PF, il contribue activement dans l’appropriation des problèmes de santé de la reproduction et de la planification familiale. Présent à Cotonou dans le cadre de la réunion du Partenariat de Ouagadougou sur la planification familiale, il donne son analyse de la spécificité mauritanienne et islamique en matière de PF.

La Tribune : Le Partenariat de Ougadougou vient de réaliser son objectif de 1 million de femmes additionnelles sous méthodes modernes de contraception. Résultat satisfaisant pour les participants qui ont salué l'engagement des bailleurs de fonds. Qu'est ce que cela inspire au leader religieux et acteur humanitaire que vous êtes? 
Imam Sarr : Je pense qu'il est toujours positif de sauver des vies et d'atteindre ses objectifs surtout que ces réalisations ont été obtenues grâce aux leaders religieux en partie, car aujourd'hui le concours des religieux est incontournable pour convaincre les populations africaines. Il faut rappeler que l’espacement des naissances n’est pas interdit. En plus de la possibilité d’allaiter deux ans qui permet un espacement des naissances, le couple peut d’un commun accord opter pour un espacement plus élargi qui puisse avoir pour but de se donner la chance de faire une progéniture de qualité, saine et à mettre dans de bonnes conditions d’éducation. L’islam n’est pas contre.
A propos des bailleurs qui se sont engagés, j’ai vu que ce sont les fondations comme Bill et Melinda Gates, entre autres donateurs occidentaux. Je me suis dit pourquoi pas les bailleurs de fonds arabes et musulmans. Et je crois que ce sera l’occasion pour moi de les sensibiliser afin qu’ils s’impliquent et engagent leurs fonds dans la santé de la reproduction en général et dans la planification familiale. Il est important que les bailleurs de fonds musulmans orientent leurs financements vers la mise en œuvre de la planification familiale.

La Tribune : La Mauritanie affiche 18 000 femmes additionnelles dans ce chiffre global pour les 9 pays. Comment d'un point de vue religieux peut-on aider à faire mieux que ce score dans un pays musulman où l'accès aux outils de la PF est réservé uniquement aux couples mariés?
Imam Sarr : La Mauritanie a une spécificité car étant musulmane. Il est du devoir de l’Etat, de la Société Civile et des imams de parler de la planification familiale et d’en expliquer l’importance.  Les termes utilisés sont l'espacement des naissances pour les couples mariés car l'islam ne peut pas encourager la fornication et de notre point de vue la dissuasion est plus efficace pour le changement de comportement que de fournir aux jeunes les préservatifs et autres outils de contraception. En islam il n’est pas permis de douter de la sincérité des personnes qui se présentent devant une pharmacie pour acheter des préservatifs ou d’enquêter sur l’usage qu’elles en feront. Mais les moyens de contraception sont réservés aux couples mariés. Cela répond aux principes de l’islam qui n’encourage pas les pratiques déviantes. Si par exemple on encourage la distribution des préservatifs aux jeunes célibataires, ce serait un appel à ce genre de pratiques. Vous vous rappelez qu’en 2001, il a été remarqué que 5 milliards de préservatifs ont été distribués dans le monde mais qu’en même temps ce fut l’année où il a été enregistré une large propagation du VIH/Sida.  

La Tribune : Le niveau d'engagement des imams dans la mise en œuvre de la Planification familiale en Mauritanie est encore relativement faible. Quelles causes et quelles solutions y trouvez-vous?
Imam Sarr : L'union des imams de Mauritanie est impliquée dans la sensibilisation sur l’espacement des naissances mais la majorité des imams ont eu une formation traditionnelle qui fait qu'ils parlent rarement de sujets d’actualités et seule une minorité accompagne ce genre de programme. Et la formation d'imams ''modernes'' sur ces questions est essentielle pour qu'ils puissent convaincre les autres imams mais également pour qu'ils produisent des documents sur l’argumentaire islamique.  Il est important que dans leurs sermons du vendredi, les imams abordent ces questions de portée sociales. Personnellement je reste toujours disponible et disposé aux débats qui peuvent être suscités sur les questions essentielles.
Propos recueillis par Kissima
Source : La Tribune (Mauritanie

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