L’imam
Abdoulaye Sarr est Secrétaire Général de l’Association Main dans la
Main, une ONG mauritanienne qui mène des actions de bienfaisance et de
solidarité. Membre de la Coalition des OSC mauritaniennes pour la PF, il
contribue activement dans l’appropriation des problèmes de santé de la
reproduction et de la planification familiale. Présent à Cotonou dans le
cadre de la réunion du Partenariat de Ouagadougou sur la planification
familiale, il donne son analyse de la spécificité mauritanienne et
islamique en matière de PF.
La Tribune : Le Partenariat de Ougadougou vient de réaliser
son objectif de 1 million de femmes additionnelles sous méthodes
modernes de contraception. Résultat satisfaisant pour les participants
qui ont salué l'engagement des bailleurs de fonds. Qu'est ce que cela
inspire au leader religieux et acteur humanitaire que vous êtes?
Imam Sarr : Je pense qu'il est toujours positif de sauver des vies et
d'atteindre ses objectifs surtout que ces réalisations ont été obtenues
grâce aux leaders religieux en partie, car aujourd'hui le concours des
religieux est incontournable pour convaincre les populations africaines.
Il faut rappeler que l’espacement des naissances n’est pas interdit. En
plus de la possibilité d’allaiter deux ans qui permet un espacement des
naissances, le couple peut d’un commun accord opter pour un espacement
plus élargi qui puisse avoir pour but de se donner la chance de faire
une progéniture de qualité, saine et à mettre dans de bonnes conditions
d’éducation. L’islam n’est pas contre.
A propos des bailleurs qui se sont engagés, j’ai vu que ce sont les
fondations comme Bill et Melinda Gates, entre autres donateurs
occidentaux. Je me suis dit pourquoi pas les bailleurs de fonds arabes
et musulmans. Et je crois que ce sera l’occasion pour moi de les
sensibiliser afin qu’ils s’impliquent et engagent leurs fonds dans la
santé de la reproduction en général et dans la planification familiale.
Il est important que les bailleurs de fonds musulmans orientent leurs
financements vers la mise en œuvre de la planification familiale.
La Tribune : La Mauritanie affiche 18 000 femmes additionnelles dans
ce chiffre global pour les 9 pays. Comment d'un point de vue religieux
peut-on aider à faire mieux que ce score dans un pays musulman où
l'accès aux outils de la PF est réservé uniquement aux couples mariés?
Imam Sarr : La Mauritanie a une spécificité car étant musulmane. Il
est du devoir de l’Etat, de la Société Civile et des imams de parler de
la planification familiale et d’en expliquer l’importance. Les termes
utilisés sont l'espacement des naissances pour les couples mariés car
l'islam ne peut pas encourager la fornication et de notre point de vue
la dissuasion est plus efficace pour le changement de comportement que
de fournir aux jeunes les préservatifs et autres outils de
contraception. En islam il n’est pas permis de douter de la sincérité
des personnes qui se présentent devant une pharmacie pour acheter des
préservatifs ou d’enquêter sur l’usage qu’elles en feront. Mais les
moyens de contraception sont réservés aux couples mariés. Cela répond
aux principes de l’islam qui n’encourage pas les pratiques déviantes. Si
par exemple on encourage la distribution des préservatifs aux jeunes
célibataires, ce serait un appel à ce genre de pratiques. Vous vous
rappelez qu’en 2001, il a été remarqué que 5 milliards de préservatifs
ont été distribués dans le monde mais qu’en même temps ce fut l’année où
il a été enregistré une large propagation du VIH/Sida.
La Tribune : Le niveau d'engagement des imams dans la mise en œuvre
de la Planification familiale en Mauritanie est encore relativement
faible. Quelles causes et quelles solutions y trouvez-vous?
Imam Sarr : L'union des imams de Mauritanie est impliquée dans la
sensibilisation sur l’espacement des naissances mais la majorité des
imams ont eu une formation traditionnelle qui fait qu'ils parlent
rarement de sujets d’actualités et seule une minorité accompagne ce
genre de programme. Et la formation d'imams ''modernes'' sur ces
questions est essentielle pour qu'ils puissent convaincre les autres
imams mais également pour qu'ils produisent des documents sur
l’argumentaire islamique. Il est important que dans leurs sermons du
vendredi, les imams abordent ces questions de portée sociales.
Personnellement je reste toujours disponible et disposé aux débats qui
peuvent être suscités sur les questions essentielles.
Propos recueillis par Kissima
Source : La Tribune (Mauritanie
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